Peu de gens s’en souviennent aujourd’hui, mais à l’origine, le whisky était considéré comme un remède. En ces temps reculés où la superstition et l’ignorance régnaient en maîtres, il n’était pas difficile de croire aux vertus curatives de l’alcool, mais il y avait cependant un soupçon de vérité à l’origine de cette croyance.
Pour le comprendre, il nous faut remonter au moyen-âge, vers la fin des croisades. Si ces expéditions militaires prenant la religion pour prétexte étaient organisées pour chasser les arabes de Palestine, elles ont également eu comme conséquence la découverte de cette civilisation très avancée d’un point de vue scientifique. Parmi les techniques mises au point par les arabes et ramenées par les croisés en Europe figure celle de la distillation.
Les arabes utilisaient cette technique pour extraire les parfums et huiles essentielles des plantes, mais ils avaient également pressenti les propriétés antiseptiques de l’alcool qui pouvait être produit par ce même procédé.
Longtemps avant la découverte de l’existence des microbes et des bactéries, on avait donc trouvé un moyen de les contrecarrer. De là à en faire un remède, il n’y avait qu’un pas qui a été vite franchi.
C’est dans les hauts-plateaux du nord de l’Ecosse qu’est né le whisky, probablement dès le 13ème siècle. Ici encore, des considérations sanitaires sont à l’origine du développement de ce qui allait devenir l’industrie principale du pays quelques siècles plus tard. Il faut savoir qu’à l’époque boire de l’eau était extrêmement périlleux et les épidémies étaient monnaie courante.
La technique de la fermentation était déjà bien connue depuis longtemps (nos ancêtre, les gaulois ne se gavaient-ils pas de cervoise, sorte de bière?). Et on mourait moins vite de la consommation de la bière que de celle de l’eau… Le transport de la bière posait cependant pas mal de problèmes. Ces lourdes barriques contenant un alcool titrant quelques degrés étaient difficiles à transporter. Alors un jour quelqu’un s’est dit que si on pouvait réduire la taille des récipients sans perdre l’essence de leur contenu, on pouvait grandement améliorer les possibilités de transport. En distillant la bière, on supprime une grande quantité d’eau, ce qui permettait de remplacer les barriques par des flacons, et rien n’empêchait d’ajouter la quantité d’eau voulue au moment de la dégustation.
Voilà une des nombres théories concernant l’origine du whisky en Écosse.
Mais quelle que soit la bonne théorie, il est un fait que le whisky d’aujourd’hui n’a plus grand chose à voir avec celui de cette époque…
Le whisky a connu plusieurs grandes modes, dont une des plus importantes a été celle des blends. Partant du principe que le consommateur aime trouver un goût constant, les producteurs ont déployé d’énormes moyens pour mettre au point les savants mélanges de whisky garantissant un goût constant au long des années. Parmi ces moyens, non seulement il sont engagé des “nez” et des experts, mais ils ont été jusqu’à créer de nombreuses distilleries dont le seul but était de fournir un des ingrédients pour le résultat final.
Ce n’est que dans les années 1980 que la mode des whiskys purs, c’est à dire des boissons telles qu’elles sont sorties des alambics et des fûts de vieillissement sans autre modification ont fait leur apparition sur les marchés hors de l’Ecosse. Le terme “whisky pur” est évidemment tout-à-fait impropre et n’a été utilisé ici que pour expliquer de quoi il s’agit. En fait, ces nouveaux whisky à la mode depuis cette époque s’appellent des “single malt”. C’est-à-dire des whiskies produits par une seule et même distillerie. C’est Glenfiddich qui a lancé cette mode qui allait envahir le monde entier.
Mais les consommateurs en ont voulu plus, et des amateurs de whisky éclairés ont commencé à foisonner de par le monde. Le single malt était encore un peu trop standardisé pour eux, et ils se sont mis à la recherche de whiskys issus d’un seul et même fût. C’est ce qu’on appelle des “single cask”. Ces whisky sont à la fois abondants et extrêmement limités en quantité. Je m’explique: de très nombreux fûts sont mis en vente, mais un nombre très limité de bouteilles sont remplies à partir d’un fût. Ceci en grande partie à cause des phénomènes d’évaporation au cours des années.
Une course effrénée aux meilleurs fûts est devenu un sport international parmi les amateurs de whisky, et, revers de la médaille, certains se sont dit que ces amateurs seraient prêts à beaucoup de sacrifices pour dégotter la bouteille rare et ancienne… C’est ainsi que les spéculateurs sont entrés dans la danse, faisant exploser le prix de ces anciennes bouteilles, dont certaines (et certainement pas toutes) sont vraiment excellentes. Et peu à peu les faussaires ont également fait leur apparition, ciblant les spéculateurs essentiellement. De toutes façons, les spéculateurs n’ouvrent pas leur bouteille, donc ils ne verraient pas si le nectar d’origine a été remplacé par du thé coloré ou par un bon whisky nettement meilleur marché que celui indiqué sur la bouteille. Mais chaque marché florissant connait des dérives…
Que ces phénomènes marginaux ne nous empêchent pas de jouir de l’exceptionnelle qualité des nombreux whiskys abordables qu’on trouve sur le marché à l’heure actuelle. Il faut un palais très affûté en plus d’un portefeuille très bien garni pour ne se contenter que de très grands whisky.
De très nombreuses bouteilles sont de véritables régals et procurent un bonheur jouissif, mais il vaut mieux savoir comment le consommer pour pouvoir en tirer un maximum de plaisir.
Et il n’est pas utile d’en boire de grandes quantités. Quelques centilitres consommés dans les règles de l’art procurent un immense bonheur sans nuire à la santé.