- Un nez très franc, marqué à la fois par des relents de tourbe sur un arrière-fond d'agrumes. Plus qu'un arrière-fond même. Disons un gisement (ou on dit champ?) de tourbe où on aurait laissé traîner quelques kilos d'oranges. Ou un champ d'oranges (ou on dit gisement?) où on aurait déposé quelques sacs de tourbe. En tout cas, une belle complexité au nez. Parce qu'en plus des oranges, il y a quelques mandarines aussi. Le tout avec un soupçon d'odeur médicamenteuse... Normal, quand on est malade, on reçoit toujours des oranges.
- En bouche, le même coktail, passant des oranges à la tourbe et vice-versa. Une extraordinaire variation dans les sensations, un peu de fumée, un peu de mandarine, un peu d'alcool à brûler (parce que cela reste tout de même un Cask Strength). Tiens, je vais lui ajouter une goutte d'eau, pour voir ce qu'il va dire...
Bizarre, après la goutte d'eau, il y a plus d'oranges que de tourbe au nez. Pas très résistante cette tourbe. Quoiqu'elle revient assez vite. La bouche s'est diversifiée. La complexité a encore grandi. Un peu d'amertume sur le fond de la langue. Je ne l'avais pas remarqué avant, pourtant je n'ai pas utilisé de Volvic.. Qu'à cela ne tienne, j'ai encore des gouttes d'eau.
Rien ne m'arrête ce soir. J'y rajoute 3 nouvelles gouttes (j'ai une pipette, Pierre. Je te vois déjà très anxieux en train de te demander si je ne vais pas rejouer ta scène avec le St Magdalene...)
Trois gouttes d'eau plus tard, les agrumes ont encore poussé. Pourtant je n'ai pas mis d'engrais dans mon eau... Quoique... J'y pense, la plante n'est pas loin.... Une blague des enfants?
Non, sinon le whisky aurait pris l'odeur de l'engrais. Décidément la tourbe ne résiste pas bien à l'eau... Et de toutes façons, les enfants ne sont pas à la maison, donc...
En bouche, c'est vrai que cela commence dangereusement à ressembler au Talisker 18 ans. Avec cependant un écran légèrement cendré devant les agrumes sauvages. Pour les empêcher d'attaquer. On se croirait en plein combat de Pokémon. - Comme les meilleures choses ont une fin, ce whisky a une très belle finale. Longue, agréable. Avec des agrumes sur fond de cendre, et toujours une présence (de plus en plus discrète) de tourbe. Ce doit être la version japonaise de la tourbe qui a la politesse de s'effacer dès qu'un intrus passe le pas du palais. Cette belle politesse qui fait que les enfants de la maison tournent les chaussures des invités, laissées à l'entrée, vers la porte.
Ah! Je n'ai pas résisté. J'ai versé le reste dans le verre. Cela a provoqué l'apparition de belles petites bulles. En Angleterre, on appellerait cela de la mousse, parce que mon whisky ressemble maintenant à une lager dans un pub. Un beau liquide de couleur or, avec quelques perles à la surface.
Bon, Pierre, il ne te reste qu'à me filer les références précises de ce whisky, car je viens de décider de me mettre en chasse. Je veux encore boire de ce whisky à la tourbe fuyante, aux oranges où les mandarines viennent jouer les trouble-fête.
Je veux ce whisky! Et tant pis pour mes principes. Au fond, c'est pas ma faute si les Ecossais n'ont pas envahi le Japon...
S'il faisait partie de ma collection, il obtiendrait un 19 haut la main! Que personne ne bouge!

