Déjà publié via FB, mais je vous fais juste part du compte rendu de la soirée de jeudi dernier chez le caviste Hubert Cormans:
Arrivé 20h30, on se retrouve d’abord tous au milieu des rayons, histoire de papoter, baver devant les beaux embouteillages et dispatcher des samples pour certains: ça fait partie du rituel dans cette caverne d’Ali Baba…
Descendu à la cave pour la soirée proprement dite, nous voilà assis en cercle avec prise de notes et 4 verres sous le nez, servi à l’aveugle.
1er étape : définir ensemble l’ordre de dégustation uniquement au nez. Donc pour faire court, du plus simple au plus complexe, du plus doux au plus fort, une eau-de-vie en amenant une autre. Ce qui nous donne au nez et à l’aveugle :
1er verre : Mélasse, c’est rond, sur le miel, la vanille, le caramel façon crème brulée, le chocolat blanc, qui s’ouvre ensuite sur le tabac et le banane. Sans pouvoir sentir tous ces aromes moi-même, j’ose évoquer un ron genre diplomatico, on me foudroie du regard (ok, je sors…).
2eme verre: végétal, sur les pommes cuites, le foin, un coté cuir qui s’ouvre sur les agrumes. Mystère…
3eme verre : un nez frais, iodé, végétale, sur la canne, avec des agrumes, un fond de tabac qui s’ouvre ensuite le pain grillé et les épices (le clou de girofle et plein d’autres. Un nez très classe, on mise quasi tous sur un Agricole.
4eme verre : grosse claque, ça pue !! Façon de parler, ça part dans tous les sens : du vernis/mastique, de l’huile (moteur…), du café amer, façon marc de café, avec du chocolat des olives et une pointe florale (violette ?) qui s’ouvre sur le balsamique et l’orange amer. En résumé, un nez très riche, complexe à souhait. Très sombre à l’œil. Perso ça me fait tout de suite penser au Rum Nation Jamaica 1990… Avec une partie de la fine équipe, on mise d’emblée sur un bon gros Jamaïcain bien lourd.
2eme étape : confirmer/modifier ensemble le line up en les goutant :
On a déjà des idées de ce qu’on a au nez, à confirmer en bouche…
1er verre : des épices, de la cannelle, des agrumes, des amandes et quelque chose de pâtissier (frangipane ?) avec de la vanille mais aussi un petit côté métallique. C’est moins sucré que ce que le nez laisse présager. Un pari d’un côté de la table : l’embouteillage dominicain d’Hubert « Arturo Makasare 15 ans ».
2eme verre: quelque chose de métallique, du cuir, de la cannelle, un peu de fruit… mais pas aussi complexe que le nez, bizarre.
3eme verre : du cuir, du réglisse, des agrumes, un peu d’épices, quelque chose de malté et métallique aussi. Une impression de puissance, un brut de fut ? C’est épais, long en bouche, complexe avec un très bon équilibre nez/bouche. Quitte à deviner, je mise sur un 3 Rivières 2006 Bdf, mais sans conviction…
4eme verre : sur le café (caffe latte, moka), boisé, anisé, mais pas beaucoup plus, assez directionnel en fait, moins complexe que le nez…
3eme but : deviner pour de bon ce qu’on a sous le nez. Après pas mal d’essais plus ou moins loufoques, Hubert garde le sourire, ne désespère pas, et lève finalement le suspense :
1/ Quorum Solera 15 ans (République Dominicaine)
2/ Ron Mulata 15 ans (Cuba)
3/ Rum Nation Martinique (St James) 12 ans
4/ Black Jamaica XO
Juste pour voir, on rajoute 2/3 gouttes d’eau et on les re-goutte. Intéressant, ça fait ressortir les marqueurs principaux. Le Cubain perd en longueur, le martiniquais prend un nez de carton mouillé, le jamaïcain… pue un peu moins !
4eme étage : Partir d’un Brut de fut (toujours à l’aveugle) et le réduire peu à peu pour voir l’influence de l’eau. Un peu comme un maitre de chai.
L’idée pour faire court : c’est de gagner en équilibre et en expression des arômes, sans trop perdre en longueur en bouche. L’eau elle-même est d’ailleurs très importante pour les maitres de chais (Ph, mineraux, etc .), elle influe aussi beaucoup sur le goût au moment de la réduction. Ce qui nous donne avec ce rhum-mystère :
Au nez : végétale, sur la cannes, salé, l’olive, le gingembre, un nez « épais », qui ouvre le miel, l’amande, quelque chose de beurré, voire avec le tabac et le pain grillé.
En bouche : de la résine, du sapin, toujours le pain chaud, avec un côté salé. C’est complexe, épais, avec un côté à la fois pâtissier et floral.
Avec 3 ou 4 gouttes : un nez plus mielleux, beaucoup plus sur la frangipane, la vanille et le côté floral du bonbon des Vosges. En bouche, c’est beaucoup plus rond et accessible, toujours bon, plus réglissé & épicé.
3 ou 4 gouttes de plus : on le coule littéralement ! Ça devient plat, assagi, plus aucune longueur… fini, échec et mat !
La solution : Compagnie des Indes Jamaica Navy Strengh (57°). Quand j’avais pu le gouter avec Florent Beucher au salon du rhum, il m’en avait parlé comme d’un rhum « petit-déjeuner » (?), parce qu’on y retrouve toutes les saveurs du ptit’ dèj’… A ne pas forcément prendre au pied de la lettre
Au global, une excellente soirée avec une super ambiance, des gens et des rencontres très chouettes, et toujours la présence du taulier qui nous transmet toujours autant de sa culture et de ses connaissance !
... Et en plus avec des rhums vers lesquels on se tourne pas en priorité mais qui sont tout à fait agréables, voire très bons. Une mention spéciale au RN Martinique 12 ans, rare dans les rhums de négoces et très abordable pour le coup.
A refaire!
