L'effet du froid sur les arômes

Il y a mille et une façons de boire le whisky. Comment préférez-vous boire le votre?

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amor57
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L'effet du froid sur les arômes

Message non lu par amor57 »

Suite d'un débat commencé avec Stéphane. L'ensemble des Passionnés avait constaté une évolution après lise au froid quelques minutes de certain tourbé de leur série Benriach. J'espère correctement traduire l'esprit des posts de Stéphane et si ce n'est pas le cas, tu pourras me corriger.

J'ai tenté l'expérience en refroidissant un verre d'Almost there au frigo, après l'avoir (re)évalué à température ambiante. Ma conclusion sur cette expérience est sans appel : Le froid a COMPLETEMENT tué le whisky. Il n'en restait plus qu'un très pâle relent de tourbe, dilué au cent milliardième avec un peu d'alcool. Oh, l'ensemble titrait en bouche allègrement ses 5% ! Aucun parfum ni aucun arôme. Après réchauffage, en fait remise à température ambiante, le whisky a recouvré une partie de ses caractéristiques. Une partie seulement et je pense que certains des composants qui se sont solubilisés par le refroidissement ne se sont pas volatilisés après.

Cette expérience n'a pas été concluante et surtout diverge des conclusions (au pluriel) des Passionnés. Je pense donc que j'ai dû commettre une erreur. Il s'agit sans doute du refroidissement qui était sans doute trop intense : 7 minutes dans le bas du frigo.

Je recommencerai avec une durée plus brève.
Alain
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mikadisa
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Message non lu par mikadisa »

je garde un souvenir ému d'un Caol ila cask strenght (celui embouteillé pour LMDW) dégusté avec un glaçon, sous un soleil de plomb en Toscane.

délice
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Stephane
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Message non lu par Stephane »

Avant mon expérience récente sur l'Authenticus, j'aurais eu tendance à penser comme toi Alain, à savoir que globalement le froid semble tuer les arômes du whisky, et aussi adoucir/endormir sa saveur (ce qui peut du reste je pense avoir du bon en grosse chaleur ou en cas de whisky très puissant/alcooleux).

Mais mon point de vue a changé avec l'Authenticus, car comme je l'ai dit sur le topic dédié, et je n'ai pas été le seul à penser cela, le froid n'a pas "tué" le whisky selon moi... il l'a radicalement transformé en qqe chose de très différent... mais au lieu que ça le rende inintéressant j'ai au contraire trouvé la comparaison ultra intéressante. C'est comme si on avait gardé la typicité Benriach et les délicieux arômes floraux/vanillés/pâtissiers qu'il a aux alentours de 20 ans d'âge, en enlevant toute la tourbe fumée!
Ma piste de réfléxion actuelle me conduit donc à penser que "le froid ne tue pas le whisky", mais l'altère certes, en enlevant certains arômes/composés chimiques. Ce qui peut le rendre à la limite aussi intéressant voire plus que dégusté à température ambiante.
Par exemple les amateurs de non tourbés pourraient fort bien adorer cet Authenticus "frappé" alors qu'ils le détesteraient chambré.
Je ne suis hélas pas assez calé en chimie pour aller au-delà... mais je trouve cela très intéressant.

Et j'avais déjà constaté la "fragilité" de la tourbe, ou surtout de la fumée.
Cela ne vous est-il jamais arrivé d'humer une délicate et appétissante fumée juste en vous servant votre dram... et une poignée de minutes après, ne plus retrouver du tout cette sensation ?
Moi si, sur divers drams notamment certains H.P.... je me souviens d'une soirée spéciale HP où nous venions de nous servir un dram, et Jean-Pierre et moi l'avons aussitôt humé et nous avons trouvé une nette note fumée appétissante... un instant plus tard, plus rien!... et les autres convives qui n'ont humé leur verre que quelques minutes après nous n'ont pas trouvé cette fumée fugace... (je précise que cela ne venait pas du verre qui n'avait contenu auparavant que des drams non ou très peu tourbés/fumés).

Bref pour moi, encore un des fascinants mystères du Single malt à explorer!...
:)
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Serge
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Message non lu par Serge »

Stéphane, c'est très intéressant. Plusieurs points :
- rafraîchir une boisson enlève en général les arômes lourds en effet. Je ne suis pas plus chimiste que toi mais peut-être une histoire de molécules +/- lourdes.
- je pense que nos nez fonctionnent en connection directe avec notre cerveau et notre imaginaire. Si tu cherches de la tourbe tu en trouves, si tu n'en cherches pas souvent tu ne la trouves pas (sauf dans Ardbeg par exemple - et encore). Un bon exemple est les Broras des années 80. Souvent on ne va pas trouver de tourbe à l'aveugle, mais on va en trouver si l'on sait que c'est Brora.
- nos nez se règlent lors d'une dégustation. Ils évoluent en trois phases je pense:
1. à "froid", seuls les arômes principaux sont détectés.
2. le nez s'affine et devient plus performant, les nuances apparaissent, et parfois les arômes principaux perçus en 1. sont filtrés (par exemple la tourbe).
3. le nez s'use et perd de la sensibilité. On ne sent plus grand-chose... Il faut désormais le mettre au repos pour la prochaine session.
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Stephane
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Message non lu par Stephane »

Oui il est certain qu'il y a aussi tu as raison l'aspect de la "fatigue du nez" à prendre en compte... je pense qu'on l'a tous ressenti au moins une fois, avec l'impression à un moment qu'il faut "arrêter" car on ne sent plus grand chose à part un vague alcool.

Mais ce soir là, pour ma part il n'y avait je pense pas du tout cette fatigue. Car on venait de déguster cet Authenticus et tout le monde l'avait trouvé ultra tourbé/fumé/viandé/herbacé, et je m'étais vraiment régalé à le humer encore et encore!
d'autant que la bouche m'a un peu déçu et semblé un cran en dessous, assez agressive et âcre.

De + nous sommes de + en + aguerris aux Passionnés aux dégustations diverses, notamment blinds ou pas, et nous avons tendance à avoir moins de préjugés qu'avant sur ce que nous goûtons. Certes si on sait qu'il s'agit d'un whisky habituellement tourbé, on va s'attendre à en trouver... mais si ce n'est pas le cas, nous n'essayons pas par tous les moyens possible d'en trouver/inventer... si on n'en trouve pas, on n'en trouve pas point barre.

Mais ce soir là sitôt passée la porte et exposés au froid, quand nous avons (tous) rehumé le restant de nos verres une poignée de minutes à peine après être sortis, personne n'a émis de doute quant au changement radical du dram, au nez comme en bouche.
Les personnes qui venaient de s'allumer un cigare, comme les personnes qui ne fumaient pas.
Donc la piste de la "fatigue du nez" ne me semble pas bonne ici, ou alors on a tous eu une "grande fatigue simultanée"! :)

Par contre un autre aspect que tu évoques aussi très intéressant à analyser plus en profondeur, ce serait l'impact du changement de température non seulement sur le whisky, mais sur nos capteurs sensoriels comme le nez et les papilles...
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Serge
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Message non lu par Serge »

Hey, je ne mettais pas en doute les capacités déjà légendaires des Passionnés en matière de dégustation (et de confit de canard) !
Je pense que le froid anihile davantage certains arômes que d'autres. Il change donc le profil. Sans doute les molécules lourdes, comme les phénols, sont-elles les plus sensibles au froid (elles restent dans le verre alors que les esthers, par exemple, s'élèvent malgré le froid).
Au palais, le froid est plus simplement un anesthésiant à mon avis.

Bon, la prochaine fois, vous essayerez de chauffer un Authen ticus à 40°C ;-).
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Stephane
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Message non lu par Stephane »

Pas compliqué!

suffit d'attendre le mois d'août ou dans mon appart il fait fréquemment plus de 30°... je vous tiendrai au courant de l'expérience... si j'y survis! ;)
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antoine
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Message non lu par antoine »

un petit authenticus légèrement "échaudé" au dessus d'une bougie ..!

Pour ma part, j'ai aussi ressenti ce phénomène, quoique plus léger, car comme le dit Serge, je ne trouve même pas lde tourbe dans mon UIGUEDAIL.. alors là.. ;-)

Mais il est vrai, tout comme l'oxydation et encore pas sur tous, la tourbe aussi fait défaut après une certaine quantité d'alcool enlevé de la bouteille et après un certains temps.

par contre tiens à essayer peut être, malgré qu'Alain ai tenté l'expérience, mais au frigo.. refaire le test mais avec juste le passage extérieur, puis retour à l'intérieur et voir si le whisky a définitivement perdu quelque chose lors du passage dehors, ou si les arômes lourds sont vraiment tout simplement rester au fond du verre.
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mikadisa
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Message non lu par mikadisa »

Pour alimenter ce débat

Mon beau frère a tenté, lors d'un grand repas whisky, une glace au whisky.

Et sacrilège direz vous, c'était le glen garioch 75 forum.

Mais c'était très bon, il en avait pas mis des tonnes non plus, juste un soupçon, il y avait vraiment un arôme particulier a cette glace. Evidemment impossible de dire quel whisky avait été utilisé.

Glace arômatisée au glan garioch et dégustée avec un verre de Glen Garioch, superbe accord.
amor57
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Message non lu par amor57 »

Je pense qu'il y a plusieurs dimensions à considérer :
1) Le composition intrinsèque du liquide. Je parle du liquide et non du whisky qu'on hume. Celle-ci est déterminée à un instant donné et elle est identique pour tout le monde. C'est un ensemble de données objectives, qui peut évoluer dans le temps comme nous l'avons tous remarqué.
2) La composition des vapeurs. C'est ce qui va "rentrer dans notre nez". Les vapeurs auront une composition variable selon plein de facteurs : la température (et là on rejoint les constatations des Passionnés), la pression atmosphérique ou la manière dont on va positionner son nez au-dessus du verre, la manière dont on va, en humant, faire varier la tension de vapeur et donc les mécanismes d'évaporation. Déjà comme nous ne positionnons pas nos nez tous de la même manière arrive une source de différence.
3) L'interprétation de ces vapeurs par notre cerveau. C'est un sujet qu'on a déjà abordé. Nos passés, nos expériences étant différents, on va faire des associations différentes.

Je pense que les autres aspects qui ont été abordés : la psychologie qui fait qu'on attend un certain profil de parfums ou la fatigue qui altère notre perception relèvent du dernier point.

On pourrait discuter à l'infini sur ce sujet, l'idéal étant de pouvoir "étalonner nos nez" (au fait qui et quoi serviront d'étalon ?). ce n'est qu'à partir de ce moment où l'on pourra réellement comparer nos expériences. En attendant ce moment on doit se rabattre sur nos perceptions qui passent au travers de différents cribles, et nos restitutions qui rajoutent un niveau d'imprécision.

Ce que nous avons tous constaté c'est que le froid va aplanir certains arômes, ce qui est logique vu que la tension de vapeur est directement liée à la température, et particulièrement sur les molécules lourdes comme le soulignait Serge. Maintenant quel raffraichissement utiliser pour faire disparaître tel parfum en laissant tel autre ? Là encore on va rejoindre des appréciations personnelles.

Lorsque j'ai fait mon expérience, je pense que la période d'exposition au froid a été trop longue ou trop intense ce qui a tué tous les arômes et ce qui ne remet pas en cause les constats fait par les Passionnés, pour lesquels le refroidissment a dû être plus limité !

Bon j'espère ne pas avoir rasé trop de monde avec ce laïus ...
Alain
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Serge
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Message non lu par Serge »

J'ajoute à l'excellent exposé d'Alain qu'en plus, nos deux narines ne sont pas similaires, et que l'on "sent" en stéréo. Essayez de vous boucher une narine, puis l'autre, puis aucune et vous verrez que vous ne sentez pas la même chose...
Si en plus l'une ou l'autre est très légèrement bouchée...
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pat gva
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Message non lu par pat gva »

Je rejoins Serge nos narines sont différentes que ce soit pour du w ou du vin il est à mon avis trés important d'humer le verre en le faisant passer d'une narine à l'autre.
Le froid est en effet un anesthésiant, pour ceux qui font de la course à pied ou de la marche, en cas de crampe il existe un spray qui refroidit fortement le muscle et l'insensibilise.
P/r au w refroidit je ne sais pas si c'est le w qui est "amoindrit" ou si le c'est le liquide froid qui insensibilise nos capteurs.
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amor57
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Message non lu par amor57 »

Patrick

Par rapport au liquide ... Eh bien, si on le consomme par le nez, je ne sais pas quel effet cela va donner ??? Mais les vapeurs que nous humons sont généralement à température ambiante, sauf si le whisky est à -250°C ou +60°C ou si le nez trempe dans le liquide auquel cas les vapeurs n'ont pas le temps de se réchauffer...

Par contre si on le consomme normalement, par la bouche, alors effectivement il y aura un effet anesthésique dû au froid. Mais ça c'est un autre débat ...

Mais je vous rejoins tous deux sur le fait que nos narines sont différentes.
Alain
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Stephane
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Message non lu par Stephane »

Ben moi j'ai pas encore fait suffisamment connaissance avec elles pour me rendre autant compte que vous de mes "différences nasales" :(
Mais promis à la prochaine dégust j'essaye!

heu... ce soir ??... ;)
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mikadisa
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Message non lu par mikadisa »

Donc si j'ai bien compris

Nous sommes de grands enfants, toujours au stade nasal
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